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    Entretien avec Félix Barré, le fin stratège du team IMSA Performance

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    Affronter une course de 24 Heures et 65 concurrents simultanément tout en se fixant des objectifs de résultat ne peut être pris à la légère… Techniquement la voiture doit être parfaitement préparée, c’est évident. Stratégiquement, la partie n’est pas facile non plus… La performance finale dépendra du meilleur compromis établi entre les impératifs réglementaires, les prouesses des pilotes, la capacité d’analyse tout en sachant faire face l’imprévu à l’image de cette pluie matinale. Petit tour d’horizon de ce qui ce passe côté muret avec Félix Barré, l’ingénieur d’IMSA Performance.

    La météo est « spadoise » aujourd’hui. Comment vous en tant qu’ingénieur d’exploitation, vous appréhendez ces évolutions et changements ?

    “Contrairement à d’autres équipes, nous n’avons pas de moyens particuliers pour prévoir l’évolution des conditions météo. Nos informations les plus précises sont celles transmises par les sites Internet. Notre réflexion repose donc beaucoup sur le feeling, le retour des pilotes et les enseignements tirés de nos précédentes courses ici.

    Pour ce qui est safety car, Full course Yellow, tout se base sur des calculs, des chiffres assez basiques que l’on prépare et nous appliquons ce que l’on a prévu. Cependant pour les problématiques de météo, la part de chance est plus importante.

    Le cas de figure le plus simple est de décider lorsque l’on doit abandonner les pneus pluie pour les slicks. C’est quelque chose que nous avons déterminé lors de séance d’essais ou en fonction de l’évolution des chronos. Le cas inverse est plus délicat, c’est-à-dire quand opter pour les ‘pluie’. Il faut déterminer si nous devons faire face à une averse ou à une pluie plus durable. Quelque soit notre décision, le choix sera décidé par rapport à notre situation en course. Si nous avons besoin d’attaquer, de maintenir une position, il faudra garder une dose d’agressivité. Par exemple au Mans en 2013, nous avons désigné notre adversaire principal et l’avons marqué à la culotte. Nous avons calqué notre stratégie sur lui et avons fait exactement comme lui quelle que soit sa décision, bonne ou moins bonne.”

    24H Spa 2016

    Ces changements de pneus sont-ils accompagnés de set up spécifiques sur la voiture ?

    “Si nous sommes en essais, oui. Nous avons le temps de travailler sur des réglages propres au châssis. En course, le temps nous manque ! Nous nous contentons de réglages électroniques : ABS, position de l’accélérateur, traction control, répartition de freinage. Ce sont des réglages rapides que le pilote effectue depuis le baquet. Il n’y a donc pas de réglages sur le plan mécanique. Nous avons la possibilité de modifier la charge aérodynamique pour que la voiture soit un peu plus sûre. Mais en course, c’est très rare d’apporter des modifications.”
     
    Depuis le muret, quels sont vos informations pour adapter la stratégie ? Les chronos ? Le ressenti des pilotes ?

    “Premièrement, je dirais que notre stratégie n’est jamais figée, elle est évolutive. Elle tient compte également de la stratégie de nos adversaires que nous décryptons.

    Kévin suit et analyse toutes les autres voitures. Les chronos en piste bien sûr mais également les temps d’arrêts, de conduite.

    Pour ma part je suis focalisé sur notre voiture : les chronos, l’évolution, la prise en compte des ravitaillements, les arrêts pour procéder à l’entretien pour rajouter de l’huile, changer les freins.”

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    Comme les relais entre pilotes vont-ils se répartir ?

    “Réglementairement, chaque relais ne peut pas dépasser 65 minutes et aucun pilote ne peut conduire plus de 3 h15. Après chaque relais, tous les pilotes ont aussi l’obligation de respecter une heure de repos. Pour nous qui sommes engagés en Pro-Am, le temps de conduite de nos deux pilotes bronze (Thierry et Raymond) doit être de 8 heures au minimum sur la durée de course. Par tranche de 6 heures, le temps de conduite des pilotes Bronze doit être au moins d’une heure.

    Nous tenons compte également de la forme de nos pilotes, des préférences de chacun, comme par exemple Raymond qui est plutôt du matin, des remontées que le kiné peut nous apporter et dont nous tenons compte pour orienter notre stratégie.

    En fonction de tous ces impératifs, nous pouvons donc adapter nos plans en fonction de notre performance et des imprévus.”
     
    S’agissant des imprévus justement, quel est votre approche sur les Safety Car et les Full Course Yellow ?

    “Il y aura, je pense, beaucoup de Full Course Yellow. C’est le cas le plus simple. Le peloton doit respecter une vitesse de 80 km/h lorsqu’il est décidé. Choisir de s’arrêter pendant cette période repose sur une analyse assez simple qui combine le temps de l’arrêt envisagé et la position au classement.

    En revanche, sous Safety Car, la vitesse du peloton en piste est plus élevée… il faut bien calculer son arrêt pour ne pas être reléguer dans les profondeurs du classement et devoir perdre en plus de temps au redémarrage. Mais étant donné la longueur du parcours (plus de 7 km) et la longueur de la pitlane qui fait perdre plus d’une minute, il est possible de marquer un arrêt ravitaillement par exemple et de ressortir devant le safety.”

    24H Spa 2016

    En termes de ravitaillement en carburant et changement de pneus, comment vont-ils rythmer la course ?

    “Notre réservoir a une capacité réglementaire de 120 litres mais la durée maxi d’un relais est de 65 minutes. Il n’est donc pas opportun d’embarquer une quantité d’essence qui permet de rester en piste au-delà de ces 65 minutes avec une marge de sécurité. La consommation d’essence n’a donc pas d’implication cruciale sur la stratégie et les arrêts ne seront pas définis en fonction de ce facteur. Il faut avoir cependant à l’esprit que si nous embarquons par exemple 20 litres de marge à chaque relais nous embarquerons une surcharge de 15 kilos qui aura des conséquences sur la performance, l’équilibre de la voiture, l’usure des pneus et des freins.

    Au niveau des pneus, la règle laisse libre le choix de faire des doubles relais ou pas. Nous déciderons en fonction de la météo, des conditions, et Kevin analysera aussi ce que font nos adversaires.”

    Vous êtes trois sur le muret. Comment allez-vous travailler ? Une pause est prévue ?

    “Pas de dodo prévu… pour aucun des 3 ! 24 heures non stop. Quand on joue la gagne c’est simple… Lorsque l’on est plus loin c’est un peu compliqué. Je serai constamment en lien radio avec les pilotes, et définirai la stratégie. Kevin m’apportera les infos sur les adversaires, Nicolas aura l’œil sur la télémétrie de la voiture et vérifiera les paramètres moteurs, la pression des pneus, que les fuels reset soient bien effectués, et le panneautage.”
     
    Et quels seront les échanges avec Franck Rava le team manager ?

    “Les deux rôles sont bien séparés, Franck est en charge de la partie stand, moi de la stratégie. Nous nous connaissons parfaitement et n’avons pas besoin d’échanger beaucoup. Mais s’il y a une décision à prendre nous nous concerterons à deux ou à trois.”

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